Le rituel s'installe, à l'instar des nombreux blogs musicaux du web. On recommence une année, et pour mieux repartir on trace une ligne au sol et on observe quels sont les artistes dont les albums sont encore à l'esprit une fois la ligne franchie.
On ne s'est pas ennuyé cette année, il y avait beaucoup de choses à découvrir. Le hiphop, a connu une année très prolifique, mais paradoxalement, nous avons sacré un artiste Hiphop qui ne propose aucune texture d'habillage avant-garde : au contraire il semble gélifier le patrimoine avec un talent hors-norme. Joey Bada$ est bien plus jeune que Kanye West, mais il laisse à ce dernier le boulot de docteur en sonorités expérimentales.
Côté Rock Indé nous avons un peu la sale manie de préférer, voir récompenser ceux qui savent le mieux restaurer le son des anciens, et cette année ça sera encore le cas. Ne comptez pas sur ce blog pour jouer les chiens de chasse des futures tendances du rock ici tout a une saveur familière.
À vous de juger, cette démarche n'a d'utile que sa capacité à stimuler votre envie de découverte.
UNKNOWN MORTAL ORCHESTRA / II
C'est un mystère : ces gars n'apparaissent dans aucun palmarès de fin d'année. Et bien croyez-moi, ce sont les autres qui se trompent lourdement, écrasés par les ombres de chars d'assaut de la pop, mais certainement pas nous. Ce trio mené par le Neo-Zélandais Ruban Nielson propose une dizaine de vignettes à la science mélodique ahurissante. Elles sont toutes entachées par les brumes d'un psychédélisme qui jamais ne viendra couler la grâce des compositions. Elles affichent au contraire le caractère charmant d'une suite d'étincelantes esquisses. Cette fébrilité dans la voix, ces décrochements instrumentaux, ces sonorités étouffées, lointaines, ne donnent que plus de charme aux compositions. Cet album n'a jamais quitté nos oreilles de toute l'année. 2013 fut Mortellement Orchestral. Souhaitons à ce groupe de ne pas demeurer Inconnu longtemps.
BLOOD ORANGE / CUPID DELUXE
Devonté Hynes a déjà fait le fier dans le palmarès de l'année 2011, mais on ne peut ignorer l'insolent talent de cet anglais, d'abord passé par le punk (Test Icicles) puis en solo sous le nom de Lightin' Champion. Il a posé avec Blood Orange les bases d'un style dont il est aujourd'hui le nouveau prince.
On pense d'ailleurs parfois à un ancien monarque de Minneapolis dans cette façon de lâcher des bouts de phrase avec sensualité. Si l'ensemble n'est pas une réussite totale, on ne voit pas cette année qui peut aligner autant de bonnes chansons à la suite dans un album.
Hynes fourmille d'idées et n'exclut aucune prise de risque: il marche au bord du gouffre, laisse balancer un pied dans le vide, remue des bras, vous fait grimacer, pour finalement tourner sur un pied avec une classe folle, vous faire face et sourire. Son univers cool, un brin mélancolique se déroule en colimaçon autour de votre humeur. Ne luttez pas.
JOEY BADA$$ / SUMMER NIGHTS
Amusons-nous cinq petites minutes à comparer Joey et Kanye :
l'un est très jeune, l'autre souscrit à un plan épargne retraite,
l'un fait du hiphop comme on en faisait en 1996,
l'autre fait du hiphop comme on en écoutera plus en 2016,
l'un s'éclate avec son clan Pro-Era à Brooklyn,
l'autre fait des ballades avec sa femme dans un désert crépusculaire,
l'un propose une mixtape ultra cool, si avenante qu'on y reste accroché,
l'autre pond un magma rébarbatif qu'on se sent obligé d'applaudir mais qu'on écoute pas
Conclusions : profitons de l'un, ça ne durera pas
VONDELPARK / SEABED
En voilà d'autres qu'on ne voit pas dans les palmarès de fin d'année.
Précisons que pour le coup,
Seabed est un album qui sonne vraiment 2013. C'est peut-être ce qui à terme causera sa déliquescence : échos, espace étendu, nappes, voix tordues, beats légers, tout est là, tout fonctionne, on ne boude pas son plaisir, c'est très approprié.
Il y a quelques années, au bord de la piscine il était de bon ton
d'écouter Art of Noise, Smokey Robinson ou le Roxy Music période
"Avalon". Aujourd'hui on place cet album de Vondelpark dans le lecteur
waterproof qui sommeille à l'ombre du auvent garni de vignes entrelacées, et on se laisse oindre
de grenadine, sans rechigner.
THESE NEW PURITANS / FIELDS OF REEDS
On singeait l'album
Yeezus comme étant un magma souvent ultra pénible à écouter mais dont on se devait d'applaudir la démarche.
Cette suite de morceaux a été envisagée dans une même démarche : aventurer la création sur des territoires inattendus, se compliquer un peu la tâche, faire vaciller la flamme de la facilité, creuser,
Selon vos goûts,
Fields of Reeds sera plombant ou fascinant.
Ces chansons qui flirtent avec les règles de la musique contemporaine, faites de sonorités atonales et de mélodies en contre-point, nous les avons trouvé tout-à fait envoûtantes. D'une richesse sans fond. Soyez sûrs que cela ne vous laissera pas de marbre, et que vous risquez d'être frappé de révélation, c'est tout le mal qu'on vous souhaite.
DARKSIDE / PSYCHIC
Psychic est un volcan qui vomit en silence du chocolat brûlant. Il faut par conséquent trouver un moment adéquat pour s'y familiariser. C'est un peu comme comme d'attendre le meilleur moment pour caresser un félin avec au choix : se faire croquer la main ou parvenir à caresser le pelage d'une créature vibrante, sensuelle.
L'univers sombre et ralenti ( il en rebute quelques-uns) de Nicolas Jaar est ici bien reconnaissable, mais au sein de Darkside il s'est enrichi d'intervention de Dave Harrington à la guitare, qui joue sur un registre presque blues, et dont les apports renforcent les chansons d'une dimension encore plus suave. Irrésistible.
OUTFIT / PERFORMANCE
Outfit contient en lui tout l'ADN de l'Angleterre, sa tristesse latente qui lui facilite tant l'écriture de chansons habitées, la tradition de l'héritage pop qui facilite tant le passage de relai, cette attitude austère qui légitime tant la posture rock.
Sur des terres new-wave qu'on pensait piétinées jusqu'au sédiment, Outfit réussit à proposer quelque chose d'excitant : juvénile dans son engagement émotionnel, mature dans la construction de ses chansons. C'est rond mais froid, triste mais dansant, étrange mais immédiat. Une belle promesse.
JULIA HOLTER / LOUD CITY SONG
Je peux vous dire que je suis heureux de ne pas officier dans la catégorie pop des auteurs féminin de 2013, parce qu'à coup sûr mon travail semblerait bien blême à côté de cette cathédrale plongée dans la nuit qu'est
Loud City Song. Julia Holter a créé un album à fleur de peau, doux-dingue, qui s'étourdit lui-même de ses audaces, de sa fragilité (On pense parfois à Kate Bush). C'est tout simplement brillant.
DJ KOZE / AMYGDALA
Afin de contrer toute forme d'ennui analytique, nous allons affirmer qu'
Amygdala incarne l'arrivée du Dadaïsme dans l'electro Berlinoise. Et puisque nous sommes contents de notre formule, nous n'en dirons pas beaucoup plus. Si ce n'est que DJ Koze, fort de son expérience a su proposer l'amusement, la poésie, l'esprit foutraque et bringuebalant dont ce style avait grandement besoin. Un petit délice.
DEVENDRA BANHART / MALA
Il est vrai que le gars se montre un peu agaçant, avec sa posture de beau gosse qui s'en fout de ne pas se laver les dents.
Mala, qui nous a séduit dès la première écoute, a néanmoins su conserver son charme intact au fil du temps. Les chansons - très bonnes - sont de charmantes vignettes imbibées de torpeur. Un album attachant, dont la nonchalance trompe sur l'évidente honnêteté artistique.
!!! / THR!!!ER
Le groupe au nom imprononçable n'a jamais trouvé de point d'équilibre aussi parfait qu'ici. Depuis le départ de LCD Soundsystem de nos dance-floor, on sentait dans l'estomac comme un creux. Nous avions encore besoin d'être rassasié de ce jus de fruits qui secoue disco, electro et rock et fait surgir la musique parfaite pour bouger. L'album est simplement euphorisant, il s'écoute à un haut niveau sonore, affiche un lustre pop qui fait prendre un réel envol à la formation. Une bien belle cerise sur le gâteau.
CASS MCCOMBS / BIG WHEELS AND OTHERS
Cette année on dépasse les 10 albums, on va jusqu'à 12. Et c'est pour ce genre d'album là,
Big Wheels and others qu'on s'est dit qu'il fallait dépasser la barre.
Cette année Cass McCombs, c'est notre effigie anti-branchitude, notre exorcisme hype, notre caution Folk rock intemporelle. Sur cet album, il fait parler des enfants dans ses interludes, invite des filles à l'accent country à le rejoindre sur des airs irrésistibles. Sa guitare vous transporte le long des routes qui filent droit sans discontinuer. Sur une vingtaine de titres Cass McCombs déroule un album au charme "Americana", doté d'un vocabulaire varié, et bourré de chansons parfaites. L'air de rien, tout en discrétion, nous avons là peut-être le seul album de la sélection qui tiendra encore le cap dans 20 ans.
COOL COME-BACK
Mazzy Star / Season of your day
Prefab Sprout / Crimson - Red
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